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Cessons de contrôler les loyers ? Une bonne idée ?

20 fév. 2023

Cessons de contrôler les loyers

Publié le 08/02/2023 à 14:00



Il est primordial de s’assurer que tout contrôle de loyer en place ne brime pas les bons comportements en matière de gestion locative. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Il est tentant de donner un répit aux locataires, particulièrement lorsque l’inflation est élevée. Le contrôle des loyers se ferait cependant au détriment des propriétaires. Leurs hausses de coûts ne sont pas plafonnées: taxe foncière, assurance, main-d’œuvre, matériaux de construction, etc.

 



Point de vue des économistes

Si les loyers s’établissent à des prix inférieurs au point d’équilibre, la demande excédera nécessairement l’offre, et le contrôle des loyers entraînera une pénurie de logements.

Plusieurs économistes soulignent qu’un plafond fait baisser les nouvelles constructions de logements et les relations entre les locataires et les propriétaires deviennent plus tendues.

Dans un sondage publié en 1992 auprès de 464 économistes américains, 93% étaient d’avis qu’un plafond réduit l’offre et la qualité des loyers. Ils étaient également 95% contre des plafonds dans un sondage au Canada publié en 1988.

Il y a bien sûr des économistes qui, a contrario, prétendent que le contrôle des loyers présente plus d’avantages que de désavantages.

Bien que le livre Rent control: myths and realities ait été écrit en 1981, il demeure d’actualité. Tous les grands économistes du temps y ont contribué dont Milton Friedman, Friedrich Hayek et Paul Samuelson. Rarement peut-on voir un tel consensus entre économistes de gauche et de droite.

«Le contrôle des loyers dans certains pays occidentaux constitue peut-être le pire exemple de mauvaise planification par des gouvernements manquant de courage et de vision», mentionne dans l’ouvrage Gunnar Myrdal, économiste de gauche suédois.

La boutade de l’économiste suédois Assar Lindbeck, est demeurée célèbre: «Outre un bombardement, la meilleure façon de détruire une ville est par le contrôle des loyers». Il faut encourager les propriétaires à rénover. Actuellement, ce n’est pas rentable de le faire.

 

La pratique

Des exemples concrets corroborent, sur le long terme, la théorie économique.

Une excellente étude empirique est celle produite par la SCHL en 2020. On y étudie San Francisco, Cambridge et trois provinces au Canada. Dans tous les cas, l’offre de logements a baissé.

La meilleure étude que j’ai trouvée est celle de 2019 pour la ville de San Francisco, de 1980 à 2016. Les locataires ont été moins enclins à déménager, soit une réduction de 9%. L’offre de logements a baissé de 15%, notamment parce que plusieurs logements ont été convertis en copropriétés.

«Instauré en 1992 en Ontario, le contrôle des loyers a eu un impact majeur sur les mises en chantier», souligne Dany Di Vincenzo, PDG de Zipplex, un portail d’information et de statistiques sur les loyers marchands.

«Les constructions d’unités locatives sont passées de 13 798 en 1992 à 790 en 1997. Bien que cette tendance se soit inversée par la suite, il aura fallu attendre 2020 avant de voir ce nombre franchir la barre des 10 000, ajoute Dany Di Vincenzo. Du côté des copropriétés, c’est tout à fait l’inverse qui s’est produit, alors que la quantité de mise en chantier est passée de 2798 en 1992 à 39 377 en 2022, un sommet.»

 

Exemples de plafonnement

Lorsque les parties se présentent devant le tribunal administratif du logement (TAL) pour une fixation du loyer, la hausse est moindre que la hausse réelle des coûts que supporte le propriétaire.

Lorsqu’un locataire signe un bail, le montant du loyer du locataire précédent est indiqué à la section G. Pour ce locataire, ce qui devrait importer le plus, c’est comment son loyer se compare aux loyers proposés pour des logements similaires à louer.

Un registre des loyers va plus loin que la section G et contribue à conserver plusieurs loyers bas pour les locataires, mais sous le seuil de rentabilité pour le propriétaire.

Lors d’une cession de bail, le propriétaire ne peut décider de rendre le logement vacant et doit donc se résoudre à ce que le loyer ne soit pas augmenté.

 

Recommandations

Je recommande d’enlever les mesures de plafonnement de loyer: formule de fixation de loyer du TAL, section G du bail et interdiction au propriétaire de mettre lui-même un logement en location lors d’une cession de bail.

Si le mécanisme de fixation du loyer est maintenu, je propose que la formule reconnaisse mieux les rénovations, notamment celles qui favorisent l’efficience énergétique et le développement durable. En France, on permet aux propriétaires locatifs de hausser davantage les loyers suivant une cote de performance énergétique. La formule de fixation devrait aussi permettre une hausse plus élevée lorsque le loyer est plus bas que la moyenne du marché.

Dans le fond, il est primordial de s’assurer que tout contrôle de loyer en place ne brime pas les bons comportements en matière de gestion locative.

Ce sont les ménages vulnérables qui seraient les plus pénalisés par le libre marché. Heureusement, la pauvreté est graduellement en déclin. Selon Statistiques Canada, le pourcentage de Canadiens vivant sous le seuil de la pauvreté est passé de 14,5% en 2015 à 10,3% en 2019 et finalement à 6,4% en 2020. 

Je recommande que les aides financières soient bonifiées pour les plus vulnérables. Le Programme de supplément au loyer (PSL) devrait être révisé et être accessible à un plus grand nombre de ménages. Le PSL verse un montant pour qu’un ménage ne débourse pas plus que 25% de leurs revenus totaux.

Le gouvernement devrait débourser des sommes additionnelles, mais la demande de logements sociaux diminuerait.

En résumé, voici mes trois justifications pour cesser de contrôler les loyers:

  1. Augmentation de l’offre de logements ;
  2. Meilleure protection de la qualité du parc immobilier ;
  3. Aide financière améliorée ciblant les ménages vulnérables.

 

Je vous invite à consulter mes articles précédents.


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À PROPOS DE CE BLOGUE

Courtier immobilier chez KW Connexion, Jean Sasseville aide des investisseurs immobiliers. Actuaire fellow de formation, il a œuvré dans le domaine de l’assurance à Montréal et en Europe. Jean Sasseville a été chargé de cours en actuariat à l’Université du Québec à Montréal. L’immobilier est sa passion et il partage ses conseils et points de vue régulièrement aux lecteurs de «Les Affaires».

JEAN SASSEVILLE

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