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Comment calmer le marché immobilier?

24 avr. 2021
Analyse

Comment calmer le marché immobilier?

Le Bureau du surintendant des institutions financières a annoncé jeudi qu’il propose de relever le taux de qualification hypothécaire.

PHOTO : RADIO-CANADA / OLIVIA LAPERRIÈRE-ROY

Gérald Fillion

L’appel à une intervention d’urgence pour calmer le marché immobilier se fait de plus en plus pressant au Canada. Les ventes de propriétés sont en forte hausse, les inscriptions de maisons à vendre sont très faibles et les prix explosent. Une bulle immobilière semble se dessiner.

Les données de la dernière semaine sont ahurissantes. Depuis un an, le nombre de transactions immobilières a bondi de 126 % dans le Grand Vancouver et de 97 % dans le Grand Toronto. Dans le Grand Montréal, c’est la hausse des ventes de copropriétés (+27 %) qui impressionne, tout comme celle des plex (+36 %).

Le prix composite à Vancouver a monté de 9 % pour atteindre 1,123 million de dollars. À Toronto, on observe une hausse des prix encore plus forte, de 22 %, à 1,098 million. Dans le Grand Montréal, le prix médian des maisons unifamiliales a grimpé de 32 %, passant de 365 000 $ à 481 000 $.

Les ventes augmentent, les prix aussi, alors que les inscriptions de propriétés à vendre sont en baisse. Le recul est de 16 % dans le Grand Montréal depuis un an, et de 43 % pour le segment des maisons unifamiliales. Que faut-il donc faire pour ralentir cette frénésie immobilière qui pourrait mener, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec, à une surévaluation des propriétés?

Les économistes Robert Kavcic et Benjamin Reitzes, de la Banque de Montréal, proposent 10 pistes de solution pour calmer l’ardeur immobilière :

  1. La Banque du Canada pourrait laisser entendre qu’elle va reprendre ses hausses de taux d’intérêt plus rapidement que prévu, avant même 2023, en laissant tomber son engagement de maintenir les taux à un faible niveau à long terme. L’engagement à maintenir de faibles taux, actuellement, alimente la frénésie immobilière.
  2. Mettre en place un système d’enchères ouvertes et publiques avec des paliers établis à l’avance d’offres bonifiées, question de laisser tomber les enchères à l’aveugle qui peuvent favoriser une surévaluation des propriétés.
  3. Imposer une taxe à la spéculation qui s’appliquerait sur les maisons principales et secondaires. Cette taxe sur le gain en capital pourrait s’appliquer si la propriété est vendue dans les cinq premières années de sa détention. Elle pourrait être réduite d’une année à la suivante, puis arriver à 0 % après cinq ans.
  4. Faire passer de 50 % à 100 % le gain en capital soumis à l’impôt sur la vente d’une résidence secondaire ou d’une propriété qui n’est pas principale.
  5. Augmenter l’offre de maisons unifamiliales dans les régions et dans les centres urbains alors qu'Internet haute vitesse s’étend et que le télétravail est de plus en plus prisé. C’est une solution à long terme, toutefois.
  6. Imposer une taxe immobilière pour les acheteurs qui ne sont pas des citoyens ou des résidents permanents du Canada. La taxe est de 15 % en ce moment dans le sud de l’Ontario, région qui comprend les villes d’Oshawa, Whitby, Toronto, Mississauga, Oakville, Burlington, Hamilton, St. Catharines et Niagara Falls.
  7. Resserrer l’accès aux prêts hypothécaires en relevant les critères de crédit.
  8. Limiter le financement à 65 % de la propriété au lieu de 80 %. Cela pourrait limiter l’utilisation comme collatéral de la propriété principale pour une autre propriété ou un investissement et viendrait réduire la flexibilité financière disponible.
  9. Taxer le gain en capital sur la vente d’une résidence principale. Le Canada est l’un des rares pays à exempter totalement le gain en capital sur les résidences primaires. Cette option a été rejetée par le gouvernement Trudeau.
  10. Augmenter les incitatifs pour les premiers acheteurs de maison, notamment en majorant les sommes qu’on peut retirer du REER. Ces mesures ne sont pas très efficaces, selon la BMO, et peuvent même contribuer à la hausse des prix.

Le Bureau du surintendant des institutions financières a annoncé jeudi qu’il propose de relever le taux de qualification hypothécaire. Il est actuellement de 4,79 % et pourrait passer à 5,25 % à partir du 1er juin prochain.

Ce taux de qualification pour avoir accès à une hypothèque s’appliquerait aussi aux emprunteurs non assurés, ceux qui ont des mises de départ d’au moins 20 % sur l’achat d’une propriété. Selon la Scotia, ces nouvelles mesures pourraient entraîner une réduction de 4,5 % du pouvoir d’achat des emprunteurs, ce qui pourrait aider à ralentir l’activité immobilière.

On peut par ailleurs se demander si le marché ne va pas se calmer de lui-même. La hausse actuelle est attribuable aux faibles taux d’intérêt, au niveau d’épargne élevé, au télétravail qui amène bien des gens à repenser leur habitat, au désir également d’aller vivre en banlieue ou à la campagne. Ces éléments sont-ils temporaires?

Il faut ajouter que les prix montent parce qu’au même moment l’offre de propriétés à vendre est faible. Les inscriptions, qui étaient déjà en baisse avant le début de la pandémie, ont reculé davantage au cours des derniers mois.

Selon les économistes de Desjardins, il faut s’attendre à environ 240 000 mises en chantier au Canada cette année, alors qu’on se trouve généralement autour de 200 000. Cet ajout de propriétés pourrait aider à rééquilibrer le marché, ou peut-être pas…

Le 2 x 4 en forte hausse

L'emballement immobilier entraîne également une forte hausse des prix du bois. On est passé d'un prix de 400 $ pour 1000 pieds (environ 305 mètres) mesure de planche, début 2020, à plus de 1400 $, soit une hausse de 250 %.

Cela s'explique en grande partie par la forte demande aux États-Unis, alors que l'inventaire de maisons à vendre ne cesse de baisser. Il y a 10 ans, on avait six mois d'inventaire pour des maisons existantes et 12 mois d'inventaire pour de nouvelles constructions. Aujourd'hui, nous sommes à deux mois d'inventaire pour les maisons existantes et à quatre mois pour les nouvelles constructions, ce qui stimule largement les mises en chantier et la demande pour le bois.

Puisque le Québec exporte plus de la moitié de son bois, la dynamique du marché américain entraîne une forte hausse du 2 x 4, voire une pénurie. L’Association québécoise des quincailleries et des matériaux de construction réclame que les forestières priorisent le marché québécois avant d’exporter leur bois aux États-Unis.

La ministre fédérale des Finances Chrystia Freeland devra dévoiler un budget de grande qualité le 19 avril pour faire face à trois défis de taille en ces temps de pandémie : d'abord, reprendre les rênes des finances publiques en dressant une feuille de route pour les prochaines années; ensuite, soutenir la relance économique en déployant le plan promis de 70 à 100 milliards de dollars; et enfin, annoncer une stratégie pour calmer le marché immobilier.


Sources : Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec, Real Estate Board of Greater Vancouver, Toronto Regional Real Estate Board

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