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La magie des taux

17 mai 2021

La magie des taux


La flambée des prix se faisant sentir, la capacité financière des ménages d’acquérir une propriété a commencé à se détériorer. Si le mouvement peut s’accentuer avec l’actuelle pression haussière sur le loyer de l’argent, le ciel à l’horizon ne serait que teinté d’un gris pâle pour l’instant, la faiblesse historique des taux d’intérêt maintenant son effet de distorsion.

Étonnamment, la forte poussée des prix de l’immobilier résidentiel attisée par la pandémie n’a pas pesé sur l’accessibilité à la propriété l’an dernier. La hausse du revenu disponible combiné à la forte chute des taux d’intérêt a ainsi atténué l’impact de la frénésie sur l’abordabilité.

La firme de recherches Moody’s Analytics va jusqu’à affirmer que malgré les prix records, le marché immobilier est le plus accessible des cinq dernières années. Son indice mesurant le coût hypothécaire d’une maison au prix médian par rapport au revenu médian des ménages est descendu sous son niveau prépandémie. Il se situe présentement autour des 32 %, après avoir évolué entre 34 et 36 % au cours des cinq dernières années et touché un sommet à 39 % en 2007. C’est tout dire de l’effet des taux d’intérêt !

Un peu moins abordables

Le Mouvement Desjardins publiait cette semaine son Indice d’abordabilité Desjardins, ajusté pour tenir compte désormais des taux hypothécaires effectifs plutôt qu’affichés. Il y a eu détérioration généralisée au premier trimestre, mais la faiblesse historique des taux hypothécaires a permis de limiter la contraction de l’indice. La Banque Nationale parle également d’une dégradation de l’abordabilité de la propriété résidentielle au Canada au cours de la période janvier-mars pour la première fois en quatre trimestres, « comme jamais depuis le quatrième trimestre de 2018 ». Toutefois, si le bond du prix des propriétés est venu compenser la hausse des revenus, les taux hypothécaires sont demeurés essentiellement inchangés en moyenne par rapport au quatrième trimestre de 2020.

À Montréal et pour une propriété représentative, le paiement hypothécaire en pourcentage du revenu médian atteignait 23,6 % pour une copropriété, 32,2 % pour un non-condo, en hausse par rapport au trimestre précédent, mais loin du sommet de 2007, qui atteignait 32 % et 40 % respectivement. Les données pour la ville de Québec sont de 15 % pour le condo, 21,4 % pour le non-condo, le sommet de 2013 étant de 22 et 27 % respectivement.

Dans son analyse, la Nationale souligne toutefois qu’après avoir touché un creux historique en février, les taux hypothécaires sur un terme de cinq ans ont commencé à monter, pour se retrouver maintenant en hausse de 35 points de base, effaçant un tiers de leur baisse depuis le début de la pandémie.

Et la remontée est appelée à se poursuivre à un rythme qui pourrait dépasser le consensus. Dans ses perspectives publiées cette semaine, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) évoquait la possibilité que ses prévisions puissent être infirmées notamment par des pressions inflationnistes plus fortes que prévu, qui risqueraient de faire monter encore davantage les taux hypothécaires.

Sur le marché obligataire, le taux des obligations gouvernementales à cinq et dix ans ont donné des secousses à la hausse en début d’année, essentiellement sous l’action d’attentes inflationnistes susceptibles d’inciter la Réserve fédérale à hausser ses taux hâtivement et de manière plus vigoureuse.

« La plupart des prévisionnistes, dont nous, prévoient une croissance très forte qui permettra aux économies, particulièrement en Amérique du Nord, de refermer rapidement l’écart entre le PIB et son plein potentiel qui s’est créé l’an dernier », ont souligné les économistes de Desjardins. Ceux de la Nationale acquiescent. « Alors que, selon des projections antérieures, l’écart de production devait être résorbé en 2023 (et donc ouvrir la porte à des hausses de taux), la conjoncture plus ferme pourrait entraîner une absorption dès 2022 des capacités inutilisées. » Ce qu’entrevoit également la Banque du Canada.

Dans une telle conjoncture, on pourrait voir les banques centrales s’engager plus à fond dans la normalisation de leur intervention et commencer à déplacer leur taux cible quelque part vers la fin de 2022. Cela dit, on formule alors l’hypothèse d’une première hausse de l’ordre de 25 à 50 points de base. Pour les taux à plus long terme, qui viennent influencer les hypothèques à taux fixe, pour l’obligation du gouvernement du Canada à échéance de cinq ans, là encore, on parle d’une augmentation additionnelle de quelque 25 points d’ici la fin de 2021, de 55 à 85 points d’ici à la fin de 2022, s’ajoutant à la poussée de 60 points du premier trimestre.

La SCHL propose un intervalle de 3,55-4,30 pour le taux hypothécaire fixe de cinq ans à la fin de 2021, et de 3,65-4,40 à la fin de 2022, contre un taux affiché de 3,72 % en moyenne en 2020 (mais un taux réel de quelque 2,1 % à la fin de 2020). Ainsi, selon les projections de l’agence fédérale, ce taux devrait augmenter, tout en restant très bas à la fin de 2023 par rapport aux moyennes historiques. Ces projections sont toutefois accompagnées d’une mise en garde. « L’évolution récente des marchés des obligations donne à penser que nos scénarios de taux hypothécaires comportent en ce moment des risques à la hausse. »

En fin de compte, « la hausse des taux va éroder l’accessibilité au cours de la prochaine année, mais cette érosion sera contrée par une hausse de l’emploi et des salaires », croit Moody’s Analytics.

  

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