Kirkland a récemment donné son feu vert à ce qui devrait constituer l’un des derniers grands lotissements de maisons unifamiliales individuelles sur l’île de Montréal.
Le futur Village Lacey Green, prévu sur un immense terrain à proximité de la gare Pointe-Claire du Réseau express métropolitain (REM), inclura 47 maisons unifamiliales détachées, a confirmé le promoteur immobilier Prével à La Presse.
Alors que la métropole s’emploie à densifier son territoire, ces nouveaux bungalows seront-ils parmi les derniers de l’agglomération montréalaise ? « Je n’ai pas de boule de cristal, mais c’est sûr que la tendance est à densifier davantage », a dit la présidente de l’entreprise, Laurence Vincent, en entrevue. « Ça va être dur d’en faire d’autres », a fait valoir l’urbaniste émérite Gérard Beaudet, spécialiste de l’aménagement du territoire urbain.
Ce type de résidence représentait seulement 1 % des mises en chantier sur l’île ces dernières années. Sa construction est largement découragée par les règles que se sont données les municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pour contrer l’étalement urbain et protéger l’environnement. Son aménagement est d’ailleurs encore davantage difficile dans les zones de développement orientées vers le transport en commun (TOD), comme c’est le cas du Village Lacey Green.
Le projet se trouve à proximité d’une future gare du REM, un secteur qui prévoit un développement à haute densité urbaine. Mais une proposition précédente de Prével – sans bungalows – pour le même terrain avait déclenché une levée de boucliers dans ce secteur résidentiel de l’ouest de l’île. La nouvelle version, qui prévoit un total de 1000 logements, est mieux acceptée par le comité de résidants mis sur pied pour discuter avec l’entreprise.
Étant donné que c’est un secteur qui a une faible densité, […] on veut s’intégrer tout en douceur aux abords du projet pour densifier au fur et à mesure qu’on se rapproche de la station du REM.
Laurence Vincent, présidente de Prével
L’inclusion des maisons détachées dans les plans, « c’était pour répondre à une [exigence] d’intégration », dit-elle, pas à une demande d’acheteurs potentiels.
Des immeubles résidentiels d’un maximum de 12 étages sont prévus dans la partie du site la plus proche de la gare du REM. C’est leur très forte densité qui permet de construire moins densément dans la section réservée aux bungalows. « Si on regarde la moyenne sur le site, on répond aux critères », a souligné Laurence Vincent.
« Une fructueuse concertation »
À l’hôtel de ville de Kirkland, on se réjouit de ce plan de développement qui constitue un compromis entre les règles de densité et le refus des habitants actuels du secteur de voir des tours d’habitation pousser dans leur cour arrière.
« Le développement projeté propose un quartier mixte à échelle humaine, inclusif et intergénérationnel », a fait valoir le maire Michel Gibson dans une déclaration écrite. « L’importante diversité qu’on y retrouve dans les typologies d’habitations offertes (maisons unifamiliales, maisons de ville de 2 et 3 étages ainsi que bâtiments multifamiliaux) est le résultat d’une fructueuse concertation avec les citoyens du secteur avoisinant et répond aux besoins d’une clientèle variée. »
Par l’entremise de ses équipes de communication, le maire Gibson avait accepté une demande d’entrevue sur ce projet, avant d’annuler l’entretien après que La Presse eut refusé de lui fournir ses questions à l’avance.
« Le secteur de haute densité sera situé sur la portion est du site et sera concentré à l’intérieur du rayon de 1 kilomètre de la zone TOD de la station Pointe-Claire du REM », a-t-il ajouté, toujours dans sa déclaration écrite. « Doté d’un axe de mobilité vers le REM, ce secteur sera aménagé autour d’un grand parc central. »
« Un idéal de la banlieue »
L’urbaniste émérite et professeur de l’Université de Montréal Gérard Beaudet n’est pas choqué par le projet de construire des résidences unifamiliales détachées dans ce secteur, même si les bungalows sont « un peu incompatibles avec l’idée d’avoir des TOD ».
Toutefois, « ça peut être justifié dans la mesure où l’on essaie d’avoir un espace de transition entre l’existant et le potentiel de redéveloppement de cet immense terrain-là », a-t-il dit. « On pourrait peut-être faire un peu mieux, mais compte tenu qu’on atteint les objectifs [de densité avec le projet global], pourquoi pas ? »
Gérard Beaudet suit de près les différents élans de résistance à la densification du Grand Montréal et n’a donc pas été surpris de voir les voisins du projet rejeter sa première version : « Il y a encore un idéal de la banlieue pavillonnaire qui est très, très fort. »
Pour le professeur d’urbanisme, le développement Village Lacey Green risque fort d’être l’un des derniers à inclure un nombre conséquent de maisons unifamiliales détachées à Montréal. Les promoteurs ont besoin de terrains gigantesques pour adopter la même stratégie que Prével.
« Il y a quand même beaucoup de terrains disponibles » dans l’est de Montréal, mais « le bungalow sur l’île de Montréal, il faut que ce soit du haut de gamme, à cause du prix du terrain beaucoup trop élevé. » Il a ajouté : « Dans l’Est, c’est peu probable parce que le marché n’est pas le même. »