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Les modèles des villes changeront-ils après la crise ?

17 mai 2020

(Montréal) La densité du quartier ouvrier montréalais de Griffintown a déjà fait l’objet d’une étude réputée publiée en 1897.

GIUSEPPE VALIANTE

LA PRESSE CANADIENNE

Le livre intitulé The City Below the Hill (La ville au pied de la montagne) avait été rédigé par l’homme d’affaires et philanthrope Herbert Ames. Il a influencé des générations d’urbanistes qui cherchaient à faire progresser des villes saines.

Selon des universitaires, ce livre démontre comment l’essor des villes a été étroitement lié à la gestion des épidémies qui les ont frappées au cours de leur histoire.

Plus de 120 après la publication de cet essai, le quartier de Griffintown s’est transformé. Il est devenu prospère, il s’est embourgeoisé, accueillant des tours à condos. Mais à Griffintown et dans d’autres secteurs urbains densément habités, la COVID-19 exerce des pressions sur la vie citadine tout en exacerbant les inégalités sociales déjà existantes.


Pour plusieurs acteurs du milieu de la construction et des promoteurs de Montréal, la reprise des activités dès lundi signifie que tout revient à la normale dans des quartiers comme Griffintown. Ils sont persuadés que le marché restera solide.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Pour plusieurs acteurs du milieu de la construction et des promoteurs de Montréal, la reprise des activités dès lundi signifie que tout revient à la normale dans des quartiers comme Griffintown.

Tous les urbanistes n’en sont pas si sûrs. La pandémie actuelle modifiera l’aspect des villes, prédisent-ils. Les maladies infectieuses ont souvent influencé le développement des centres urbains au cours des décennies passées.

La façon dont les villes vont changer n’est pas encore claire, mais Andy Yan, directeur du programme des études urbaines à l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, croit que la maladie incitera les gens à reconsidérer leur décision d’emménager dans des petits appartements.

M. Yan cite à cet effet des données de Statistique Canada révélant que de 1991 à 2017, la surface habitable médiane des condos avait respectivement diminué de 32 % et de 20 % à Toronto et à Vancouver.

« L’idée en vogue était : si on vit dans un petit espace, on profitera d’une grande vie citadine, explique-t-il. On a emménagé dans des studios exigus, mais on a eu accès à la culture vibrante et aux délices gastronomiques de villes. »

Mais voilà, la COVID-19 renferme les résidants des zones urbaines à l’intérieur de chez eux. Les condos et les appartements se transforment en bureau de substitution, des écoles et des garderies. Et on ne sait pas quand les bistrots, les cafés et les salles de musique, qui forment souvent l’âme des villes, rouvriront.

Professeur d’urbanisme à l’Université McGill, David Wachsmuth rappelle que les villes ont souvent traversé des cycles de densification et de « spatialisation », notamment après la Seconde Guerre mondiale, lorsque le gouvernement fédéral a encouragé les gens à quitter les centres-villes pour les banlieues « plus saines. »

Mais M. Wachsmith ne croit pas à un éventuel exode urbain. « Nous sommes, d’une manière générale, dans une période où la densité des villes a été comprise comme une chose positive. Cela ne changera pas. »

Mais la vie pourrait devenir moins chère, souligne-t-il. Si la pandémie déclenche une longue crise économique, le marché de l’immobilier subira une grande tempête. Les personnes et les familles à faible revenu pourront retourner dans les lieux dont elles avaient été chassées par l’embourgeoisement.

Le PDG de Royal LePage, Phil Soper, n’y croit pas.

Les ventes de maison ont diminué en avril, fait-il valoir. La baisse s’élève même à 70 % au Québec. Toutefois, un plus petit nombre de maisons sur le marché atténue la pression à la baisse sur les prix.

« La pandémie ne fournit pas de réponse magique aux problèmes de pénurie de logements et, par conséquent, ce n’est pas une baguette magique qui va résoudre les problèmes d’accessibilité du logement », soutient M. Soper.

« La seule chose qui fournira des logements plus abordables dans nos grandes villes est la construction d’unités. Il n’y a certainement pas plus de maisons en construction pendant une pandémie. Cela aggrave le problème », ajoute-t-il

Les principaux constructeurs montréalais ont tous dit à la Presse canadienne que lorsque le secteur reprendra ses activités dans la province, tous les sites qu’ils exploitaient avant la crise seront de nouveau opérationnels

Les condos continuent de se vendre pendant la pandémie, disent-ils. Les acheteurs visitent les unités en 3D sur des écrans d’ordinateur et signent numériquement les documents de vente.

Devimco, la société qui a lancé le renouvellement de Griffintown, vante la Maestria, sa tour de 61 étages qui sera le plus haut immeuble résidentiel de Montréal lorsque les travaux seront terminés. Son vice-président Marco Fontaine dit avoir vendu 20 unités au cours du mois dernier, sans avoir dû en négocier le prix.

IMAGE FOURNIE PAR DEVIMCO

Le futur complexe Maestria

« Ce n’est pas du tout dans notre plan pour le moment de baisser les prix », a-t-il déclaré dans une récente entrevue. Bien qu’il s’attende à une sorte de ralentissement du marché à cause de la pandémie, la reprise économique sera bien lancée lorsque la Maestria sera achevée.

M. Fontaine est bien conscient que de nombreux résidents continueront de travailler de chez eux pendant un certain temps. « Ils habitent un espace qui n’était pas fait pour ça. »

Bien que M. Wachsmuth dit ne pas partager l’optimisme des grands constructeurs montréalais, il parie toujours sur les villes et le sentiment de libération qu’elles procurent. « Il se passe beaucoup de choses, mais on peut aussi y rester anonyme si on le souhaite », lance-t-il.

« [Elles] ne sont pas universellement attrayantes pour tout le monde, mais elles sont, je crois, assez durables pour beaucoup de gens ».

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