Mes voisins n’en croyaient pas leurs yeux quand ils ont découvert que la valeur foncière de leur semi-détaché bondissait de 40 % d’un coup, ce qui représente 300 000 $. Ils prévoient contester cette hausse qu’ils qualifient de loufoque et d’incohérente, car les taxes municipales pèsent déjà lourd dans leur budget familial.
La majorité des villes du Québec viennent de dévoiler leur nouveau rôle d’évaluation foncière pour les années 2025 à 2027 et je prédis quelques réactions épidermiques accompagnées de mots d’église dans les chaumières.
Le bond est stupéfiant. « Depuis au moins les 20 dernières années, d’après moi c’est un record. C’est fou braque partout », m’a dit le président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Varennes, Martin Damphousse. Dans sa ville, la hausse moyenne pour le secteur résidentiel est de 44 %.
Après avoir rencontré une trentaine de maires et mairesses qu’il a questionnés sur leur nouveau rôle foncier par curiosité, il évalue que les augmentations se situent généralement entre 40 et 50 %. Son mini-sondage maison n’a rien de scientifique, mais ça donne une idée.
Tous les trois ans, les Villes reçoivent de nombreux appels de propriétaires qui ne comprennent pas le nouveau rôle et s’inquiètent d’éventuelles hausses de taxes. Imaginez cette année…
À Trois-Rivières, où la valeur des logis a fait un bond particulièrement important, la Ville n’a même pas écrit le pourcentage dans son communiqué. Elle indique plutôt que le prix moyen passe de 210 466 $ à 336 688 $. Mais tout le monde a compris que l’envolée frôle les 60 %.
Dans l’agglomération de Longueuil, où environ 450 000 personnes habitent, la plus forte hausse – de 40 % – touche les résidences de la ville de Longueuil. La valeur moyenne d’une résidence unifamiliale y atteint désormais 545 700 $, ce qui demeure deux fois moins élevé que dans la ville voisine, Saint-Lambert. Une maison y vaut plus d’un million de dollars en moyenne. Ça frappe l’imaginaire.
La situation n’est pas très différente à Laval, où l’augmentation moyenne est de 37 %. La résidence unifamiliale y vaut désormais 622 300 $, deux fois plus qu’il y a 10 ans. Dire que certains économistes prévoyaient il y a deux ans que le prix des maisons redescendrait cette année au niveau de 2021…
Les nouvelles valeurs sont toujours établies par des évaluateurs mandatés par les Villes qui se fient aux transactions conclues dans chaque rue, dans chaque secteur. Cette année, le rôle est influencé par la forte demande provoquée par la croissance de la population. D’autres facteurs comme l’intérêt accru pour les propriétés sur le bord des lacs et des pistes de ski depuis l’avènement du télétravail pèsent aussi dans la balance.
On savait que le prix des maisons avait bondi depuis le début de la pandémie, mais comme il s’est stabilisé dans la dernière année, le choc des propriétaires et de ceux qui cherchent à acheter se comprend.
Cela dit, avant de paniquer et d’envisager une contestation du nouveau rôle, il faut se rappeler que le compte de taxes ne suivra pas du tout la même courbe, sinon on assisterait sans doute à des ventes massives de propriétés. Le taux de taxation pour 100 $ d’évaluation sera revu en conséquence, en tenant compte de la hausse moyenne de la valeur foncière. Si votre hausse est beaucoup plus élevée que la moyenne dans votre municipalité, votre facture augmentera, et vice-versa.
Selon Martin Damphousse, il y a « toujours 60 % de la population dont le compte baisse et 40 % dont le compte monte, et c’est partout pareil au Québec ».
Les nouveaux taux de taxation sont dévoilés à la fin de l’automne ou au début de l’hiver. D’ici là, tout le monde est dans la brume.
Une fois le nouveau taux de taxation connu, il est possible de contester, mais il faut des arguments solides, car l’évaluateur a tous les chiffres devant lui. C’est d’ailleurs lui qui défend ses calculs. Avant d’entreprendre la démarche, demandez des explications à la Ville sur votre cas précis.
Toujours insatisfait ? Selon un article publié par L’actualité en 2022, le coût d’une demande de révision varie de quelques dizaines de dollars à 1000 $. À vous de voir si l’exercice peut être rentable. Pour mettre les chances de son côté, mieux vaut présenter l’avis d’un évaluateur agréé, ce qui coûte des centaines de dollars. Dans l’agglomération de Longueuil, moins de 1 % des propriétaires contestent.
L’autre possibilité est de voir le bon côté des choses : vous devriez être en mesure de vendre votre maison plus cher que prévu. En d’autres mots, vous êtes plus riche que vous ne le croyiez.
Quand on regarde les données pour Laval et l’agglomération de Longueuil, on constate que la valeur moyenne des maisons unifamiliales a été multipliée par environ 2,5 en seulement 15 ans.
Ce sont des moyennes qui cachent des hausses beaucoup plus prononcées. Mes voisins ont payé leur jumelé 555 000 $ il y a six ans. Il est désormais évalué à 1,2 million. Cela ne les aide pas à rembourser leur prêt hypothécaire ni leurs taxes, qui devraient croître puisque leur augmentation dépasse la moyenne. Mais ils peuvent toujours se consoler en se disant que leur achat s’avère un bon investissement.