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Quelle mouche a piqué l’immobilier… et le patron de la SCHL ?

22 août 2020

Levez la main les petits malins qui avaient prévu durant le confinement que le marché immobilier battrait des records. Malgré la pandémie. Malgré les pertes d’emplois. Malgré l’incertitude.

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STÉPHANIE GRAMMOND
LA PRESSE

C’est drôle, je ne vois pas beaucoup de mains en l’air. Et surtout pas celle du patron de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), qui prédisait, le printemps dernier, une baisse de 9 à 18 % du prix des logements au cours des 12 prochains mois.

Lui qui a resserré ses règles à partir du 1er juillet pour freiner les ardeurs des acheteurs plus vulnérables laisse maintenant entendre que la SCHL est sur le point de perdre le contrôle du marché immobilier.

Lui qui souhaite favoriser « la stabilité des marchés de l’habitation » en réduisant « la demande excessive et la croissance insoutenable des prix des logements » donne effectivement l’impression de prêcher dans le désert.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les ventes de maisons n’ont jamais été aussi vigoureuses au Canada. Les transactions ont bondi de 30,5 % pour atteindre un sommet historique en juillet.

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Les ventes de maisons n’ont jamais été aussi vigoureuses au Canada. Les transactions ont bondi de 30,5 % pour atteindre un sommet historique en juillet. Les prix grimpent aussi en flèche, particulièrement à Montréal (+ 14 %) et à Ottawa (+ 18 %), d’après les statistiques dévoilées lundi par l’Association canadienne de l’immeuble.

Quelle mouche a donc piqué l’immobilier ?

Évidemment, les taux d’intérêt ont diminué. Certains prêteurs offrent des hypothèques à moins de 2 % sur cinq ans (par exemple à 1,76 % chez HSBC).

Le taux de qualification vient aussi de baisser, ce qui augmente la capacité d’emprunt des ménages qui contractent une hypothèque assurée. Même s’ils négocient un taux plus faible, ces acheteurs doivent faire leurs calculs en fonction du taux de référence hypothécaire de la Banque du Canada, pour s’assurer que leurs finances résistent à une situation de crise.

La semaine dernière, ce taux a fondu pour la deuxième fois depuis le mois de mai. Ainsi, un ménage qui peut se permettre des mensualités de 1200 $ par mois a désormais la capacité d’acheter une maison 4 % plus chère, calcule Denis Doucet, porte-parole du courtier hypothécaire Multi-Prêts.

Avec le nouveau taux de qualification de 4,79 %, ce ménage peut maintenant contracter une hypothèque de 210 600 $. C’est 8000 $ de plus qu’avec le taux de 5,19 % en mai.

Ce changement survient dans un contexte où l’immobilier était déjà très serré avant la pandémie. Il l’est encore plus à cause du rattrapage qui a suivi le confinement. Depuis 18 ans, on n’a jamais vu aussi peu de nouvelles inscriptions par rapport au nombre de transactions, constate Robert Hogue, économiste à la Banque Royale.

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Mais le président de la SCHL, Evan Siddall, continue de penser que les prix baisseront quand les programmes d’aide gouvernementaux prendront fin.

Dans une lettre étonnante envoyée la semaine dernière, il a demandé aux prêteurs de ne pas se tourner vers les concurrents privés pour continuer d’assurer des hypothèques plus à risque.

Il faut savoir que les acheteurs dont la mise de fonds est inférieure à 20 % doivent absolument faire assurer leur prêt, soit par la SCHL, société de la Couronne, soit par Genworth Canada ou Canada Guaranty, deux assureurs privés qui lui ont grugé des parts de marché.

« Mais nous arrivons à un niveau minimum de parts de marché qui est nécessaire pour protéger le marché en situation de crise. Nous vous demandons votre soutien pour éviter une érosion additionnelle de notre présence sur le marché », écrit M. Siddall.

PHOTO GALIT RODAN, ARCHIVES BLOOMBERG

Evan Siddall, président de la SCHL

En ce moment, les prêteurs ont tout le loisir de se tourner vers les deux concurrents privés lorsque leurs clients ne répondent pas aux nouveaux critères de la SCHL.

Depuis le 1er juillet, la SCHL exige que les acheteurs aient un pointage de crédit supérieur à 680, plutôt qu’à 600 auparavant.

De plus, le niveau d’endettement maximal a été réduit. Maintenant, l’ensemble des dépenses mensuelles reliées à la maison (hypothèque, taxes, chauffage, etc.) ne doivent pas représenter plus de 35 % des revenus bruts du ménage, contre 39 % auparavant.

En ajoutant le paiement des autres dettes (cartes et marges de crédit, prêt auto et étudiant, etc.), le ratio ne doit pas dépasser 42 %, plutôt que 44 %, ce qui risque d’accrocher plus souvent.

En outre, la SCHL n’accepte plus que la mise de fonds minimale de 5 % provienne d’un autre emprunt, alors que d’autres assureurs permettent encore d’acheter avec seulement 1,5 % de la valeur de la maison en liquidités.

Dans sa lettre, le président de la SCHL accuse les autres assureurs qui n’ont pas modifié leurs critères de permettre aux ménages d’acheter une maison avec un capital négatif, au milieu d’une période économique calamiteuse. Cela risque de les exposer à une reprise de possession par la banque.

M. Siddall juge que l’endettement des ménages canadiens est problématique pour l’économie. Il demande aux prêteurs de faire passer les perspectives du Canada avant leur rentabilité à court terme.

Naïf, vous dites ?

Par-dessus le marché, il exhorte les prêteurs à continuer à envoyer leurs bons clients vers la SCHL, afin de préserver ses parts de marché.

Or, les assureurs privés ne se contenteront pas d’accepter les clients à risque que la SCHL repousse. Pour que le risque global de leur portefeuille reste acceptable, ils demanderont aux prêteurs de leur acheminer davantage de clients plus solides financièrement.

Avec ses nouveaux critères, la SCHL perdra donc sur les deux fronts et minera sa capacité d’intervention. Si on avait voulu assainir le marché hypothécaire, ç’aurait été au gouvernement d’imposer de nouvelles règles à tout le monde.

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