Le changement est entré en vigueur le 1er janvier, alors que nous nous souhaitions la bonne année en entrechoquant nos verres.
Désormais, les acheteurs étrangers ne pourront plus acheter de résidence au Canada pour une période de deux ans.
« Les maisons devraient servir de logis aux Canadiens et non de véhicules d’investissement pour les étrangers », a dit Chrystia Freeland.
Difficile de contredire la ministre des Finances fédérale là-dessus. Mais ne comptez pas trop sur la nouvelle loi pour rendre soudainement abordable la maison de vos rêves actuellement affichée à un prix de fou sur Centris.
Parce que selon l’avis des spécialistes, cette mesure aura très peu d’impact sur le prix des propriétés, en particulier au Québec.
En janvier 2022, au Québec, à peine 0,9 % des transactions immobilières avaient été effectuées par un acheteur ayant fourni une adresse située à l’extérieur du Canada. Dans l’île de Montréal, c’était 2,8 %, selon des chiffres contenus dans le dernier budget provincial.
Ces chiffres sont imparfaits et ne captent pas tout, certains acheteurs étrangers utilisant une adresse locale. Mais on voit que le phénomène est limité.
Il s’agit bien sûr de moyennes. Dans des segments de marché très précis, comme les condos situés au centre-ville de Montréal ou dans L’Île-des-Sœurs, la part des acheteurs étrangers est plus élevée. Dans ces cas, il est possible que la nouvelle loi contribue, dans une certaine mesure, à rééquilibrer l’offre et la demande. Des études ont montré qu’à Toronto et à Vancouver, les taxes sur les investissements étrangers et sur les logements inoccupés ont été utiles1.
Réalisons toutefois que plusieurs des transactions réalisées par ceux qu’on appelle les « étrangers » continueront d’être permises. Les résidents temporaires, les réfugiés, les conjoints de Canadiens qui demeurent à l’étranger pourront toujours acheter des propriétés au pays – et c’est normal. En fin de compte, le nombre de transactions qu’on empêchera risque d’être assez faible.
L’idée n’est pas de dénoncer la loi. On peut même se demander pourquoi le fédéral a tardé à l’adopter, attendant que les prix de l’immobilier fléchissent à cause de la hausse des taux d’intérêt pour réagir.
Mais il faut réaliser que les étrangers sont une cible facile. En vérité, ils ont peu à voir avec le fait que les maisons n’ont jamais été aussi inabordables depuis les années 1980 au Canada. Les causes principales sont ailleurs.
Nous l’avons déjà écrit : si les gens peinent à trouver une maison ou un loyer à un prix raisonnable, c’est qu’il manque de maisons. Il faut donc sortir les marteaux pour en construire.
Relisez notre éditorial « Ramener l’immobilier sur terre à coups de marteau »Sur ce front, le fédéral dit les bonnes choses. Dans le dernier budget, un nouveau fonds de 4 milliards a été annoncé pour accélérer la construction de logements. On parle de simplifier les processus d’approbation des municipalités. De favoriser la densification. De « s’attaquer au syndrome du pas dans ma cour ». De développer autour des réseaux de transport en commun.
Les bons mots sont là, mais le défi sera de les transformer en résultats – une faiblesse du gouvernement Trudeau. Par le passé, des fonds fédéraux destinés au logement ont été utilisés pour construire des unités haut de gamme, ce qui contribue peu à régler le problème d’abordabilité.
Autre bémol : le fonds vise à accélérer la construction de 100 000 unités d’habitation d’ici 2024-2025, alors que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) calcule qu’il en faudrait 3,5 millions d’ici 2030. On est loin du compte.
C’est en sortant les marteaux et en stimulant véritablement la construction massive de logements qu’on permettra aux Canadiens de se trouver une maison abordable. Combattre des épouvantails qui ont peu à voir avec les prix élevés sera largement insuffisant.