En pleine surchauffe immobilière, la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, préfère miser sur l’éducation et la responsabilisation des Québécois plutôt que sur l’intervention de l’État pour calmer le jeu.
ISABELLE DUBÉ
LA PRESSE
« Il faut donner la responsabilité au citoyen, c’est une question aussi d’éducation », affirme la ministre Andrée Laforest en soulignant qu’elle et son collègue Eric Girard, ministre des Finances, suivent de près les taux d’intérêt et les actions de la Banque du Canada, sans toutefois pouvoir intervenir, puisqu’il s’agit de compétences fédérales.
« Les gens, [ils] faut qu’ils soient responsables. Je le dis à mes quatre enfants, si tu t’achètes une maison et que la maison coûte 50 000 $ de plus, vous devez être conscients que les taux d’intérêt vont inévitablement augmenter. Donc, c’est une responsabilité aussi personnelle », soutient-elle.
Toujours dans le but de responsabiliser les gens, elle rappelle qu’on se doit de faire inspecter une propriété avant de l’acheter. Or, le gouvernement ne pourrait pas l’obliger, dit-elle, car « on n’a pas assez d’inspecteurs » qualifiés et qu’« on va complètement ralentir le marché ».
« J’ai des amis courtiers »
Le marché immobilier explosif suscite des questionnements de la part d’experts et de nombreux lecteurs de La Presse.
Pour se faire une idée des enjeux de la surchauffe immobilière actuelle et de la surenchère, la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, nous a expliqué à trois reprises au cours d’une entrevue téléphonique enregistrée qu’elle se basait sur l’OACIQ, ses « amis courtiers » et ses expériences personnelles.
J’ai quatre enfants, puis je vis ça, j’ai des amis courtiers et des amis inspecteurs en bâtiments, alors je suis un petit peu bien placée, si je peux dire, heureusement.
Andrée Laforest, ministre de l’Habitation
Certains experts et Québec solidaire ont suggéré que les transactions immobilières soient plus transparentes. La ministre affirme que le montant de chaque transaction immobilière doit rester confidentiel, ignorant manifestement que l’information est accessible à tous moyennant des frais sur le site de son gouvernement (voir capsule au bas du texte).
« C’est une question de confidentialité. Parce que ce n’est pas tout le monde qui veut que les gens sachent combien ils ont payé leur maison. Ça m’appartient à moi. Si je décide de ne plus voyager, si je décide d’investir dans l’habitation, si je décide de ne pas aller dans un condo ou une résidence pour aînés, c’est moi qui veux investir. Donc, si moi, je paye 300 000 $ pour un condo, ça m’appartient. »
Surenchère transparente
Questionnée au sujet de la possibilité de connaître les montants des offres d’achat sur une propriété qui en reçoit de nombreuses en même temps, la ministre allègue aussi que « c’est une question de confidentialité, car les 10 ou 15 personnes qui ont fait une offre d’achat vont toutes savoir que vous avez payé la maison 250 000 $ ou 300 000 $ ». Et que « les courtiers nous ont dit » qu’il y aurait de la surenchère.
Des études démontrent que les surenchères ouvertes et transparentes font plutôt baisser les prix.
> Consultez l’étude de l’American Economic Association (en anglais)
> Consultez l’étude publiée sur le site Ideas (en anglais)
Actuellement, la réglementation empêche les courtiers immobiliers de dévoiler le contenu des offres d’achat lors d’une surenchère. Seuls les vendeurs sans courtier chez Du Proprio peuvent le faire.
« C’est une question d’offre et de demande. C’est vraiment l’offre, ici, et c’est la pandémie qui nous a amenés [là], heureusement ou malheureusement, parce qu’il y en a beaucoup qui nous disent : bien c’est merveilleux, madame Laforest, parce qu’on investit au Québec, on ne voyage plus à l’extérieur, donc on investit dans l’habitation, c’est très positif. »
Par ailleurs, la ministre croit que les Québécois verront bientôt « la lumière au bout du tunnel » et que le marché va se stabiliser. « C’est certain que les transactions vont diminuer, parce que les gens qui ont acheté leurs maisons, ils n’en rachèteront pas tout le temps non plus, c’est fait. »