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Surchauffe immobilière Taper sur le bon clou

26 oct. 2021

« Si les prix sont au plafond, c’est parce qu’il manque de maisons », écrit notre éditorialiste.

STÉPHANIE GRAMMONDLA PRESSE

Pauvres jeunes ! Ils ne l’ont pas facile pour se trouver un logement à prix raisonnable avec la folie immobilière.

Jamais, au grand jamais, on n’a vu un marché aussi fou que durant la pandémie, avec des surenchères à la pelle et une croissance annuelle des prix supérieure à 20 %. Or, cette escalade n’est que l’apothéose d’une poussée qui a fait quadrupler le prix des maisons à Montréal depuis le tournant du millénaire.

Pour les premiers acheteurs, la marche est désormais très haute.

Alors que les boomers devaient économiser quatre ans pour se bâtir une mise de fonds de 20 %, les jeunes d’aujourd’hui doivent travailler 14 ans.

Cela soulève un grave enjeu d’équité intergénérationnelle. Et brise l’ascenseur social, en rendant la tâche plus difficile aux jeunes de milieux moins fortunés qui ne bénéficient pas d’un don ou d’un prêt de leurs proches, comme environ le quart des premiers acheteurs ces dernières années.

La situation n’est pas plus rose du côté de la location où l’on a vu la plus forte progression des loyers (+ 4,2 %) en presque 20 ans. La hausse atteint même 30 % lorsqu’un nouveau locataire emménage. Il est d’ailleurs déplorable de voir des propriétaires mener des rénovictions cavalières pour hausser leurs revenus locatifs.

Avec cette trame de fond, on ne s’étonne pas que l’immobilier ait joué un rôle de premier plan durant la campagne électorale fédérale. Et il en sera de même sur la scène municipale, puisqu’il s’agit du thème auquel les Montréalais accordent le plus d’importance, et de loin.

Malheureusement, les partis politiques ne tapent pas toujours sur le bon clou.

Au fédéral, les partis ont fait une série de promesses qui paraissent alléchantes, mais qui risquent d’être contreproductives.

Par exemple, les libéraux veulent permettre aux jeunes de moins de 40 ans de puiser jusqu’à 40 000 $ dans leur REER, sans impôt ni obligation d’y remettre l’argent, ce qui risque de poser des défis fiscaux.

De plus, le Parti libéral a l’intention de réduire les frais d’assurance prêt hypothécaire pour les acheteurs dont la mise de fonds est inférieure à 20 %. Mais inévitablement, le risque se retrouvera sur les épaules des contribuables par le truchement de la SCHL.

Libéraux et néo-démocrates ont aussi promis de doubler le crédit d’impôt pour l’achat d’une première propriété, qui passera à 1500 $ et s’ajoutera à celui de Québec. Voilà qui aide à payer le notaire et le déménagement. Mais les villes pourraient réduire leurs droits de mutation et on serait encore mieux servis.

De son côté, le NPD voudrait étirer la période d’amortissement d’un prêt de 25 à 30 ans, ce qui permettrait de diminuer les mensualités… ou d’acheter plus gros.

Toutes ces initiatives pour aider les acheteurs partent de bonnes intentions. Mais en stimulant la demande, Ottawa ajoutera des bûches dans le foyer en pleine canicule. Au final, le prix des maisons grimpera encore plus, exactement l’inverse de l’objectif.

Le vrai problème, ce n’est pas la demande. C’est l’offre. Si les prix sont au plafond, c’est parce qu’il manque de maisons.

Depuis 2016, la population a augmenté plus vite que la construction, si bien que le Canada se retrouve avec 424 unités pour 1000 habitants, le plus faible ratio de tous les pays du G7, calcule la Banque Scotia. Juste pour rattraper le retard accumulé depuis cinq ans, il faudrait construire 100 000 unités… et 1,8 million pour rattraper la moyenne des pays du G7.

Espérons donc que le Parti libéral saura respecter son engagement électoral de bâtir ou rénover 250 000 logements d’ici quatre ans, ce qui hausserait de plus de 20 % le niveau actuel de construction.

Mais ce ne sera pas instantané, avec la pénurie de main-d’œuvre et tous les obstacles auxquels les promoteurs font face à l’échelle municipale.

Bien sûr, il faut des règles d’urbanisme. On ne veut certainement pas de développement sauvage. Mais on pourrait réduire la bureaucratie qui fait en sorte que les projets coûtent plus cher et prennent parfois des années avant de lever de terre, surtout lorsqu’il est question de densifier la ville.

Dérogations, permis, redevances… Tous ces obstacles font qu’il est bien plus simple de bâtir en banlieue. Et tant pis pour l’étalement urbain !

Parlant de densification, les municipalités devraient d’ailleurs suivre les traces de la Ville de Québec et songer à modifier leurs règles pour favoriser les maisons intergénérationnelles et les logements accessoires, par exemple au sous-sol.

Chose certaine, une meilleure concertation entre les différents ordres de gouvernement serait bienvenue, pour éviter de travailler en vase clos… ou de marcher dans les platebandes des autres.

Quand Justin Trudeau promet une charte pour protéger les acheteurs, il doit bien savoir que le courtage immobilier est de compétence provinciale. Et justement, Québec a lancé des consultations à ce sujet en juin dernier.

De grâce, chacun dans sa cour !

Si Ottawa cherche une façon de protéger les propriétaires, en restant les deux pieds dans sa compétence, il devrait encadrer une bonne fois pour toutes les pénalités hypothécaires abusives. La méthode de calcul tordue utilisée par les banques fait en sorte que les propriétaires qui doivent mettre fin à leur prêt avant le terme sont forcés de payer des milliers de dollars.

Voilà un problème grave auquel Ottawa seul peut s’attaquer.

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