Après une année et demie de surchauffe, le marché immobilier a pris un léger pas de recul au cours de la saison estivale. Accalmie temporaire ? Le calme avant la prochaine « tempête » automnale ? Survol.
YVON LAPRADECOLLABORATION SPÉCIALE
« C’est un fait qu’on observe depuis quelques mois une tendance à la baisse au niveau de la proportion des maisons vendues en surenchère, ce qui constitue une bonne nouvelle pour les acheteurs », résume Charles Brant, directeur, analyse de marché, à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).
Il constate en outre une « stabilisation du niveau de prix », ce qui permet de croire à un « essoufflement » de la tendance haussière observée au cours des 18 derniers mois.
« Il faut admettre qu’on est arrivés à des niveaux très élevés, et c’est sans compter la chute constante du nombre de nouvelles inscriptions [de propriétés à vendre] », met-il en perspective.
Autre élément à considérer : depuis quelques mois, les acheteurs seraient « moins obsédés » par le fait de vouloir acheter une maison à tout prix. L’économiste parle même d’une « certaine capitulation ».
Dans le contexte actuel, il faut être assez en moyens pour pouvoir s’acheter une maison. Les portefeuilles ne sont pas extensibles. On arrive à une certaine limite.
Charles Brant, directeur, analyse de marché, à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec
Réduire les attentes
Sur le terrain, la courtière immobilière France Mayer, de Remax, est à même de constater que des acheteurs ont « réduit leurs attentes » pour tenir compte de leur capacité de payer… et pour espérer obtenir du financement hypothécaire auprès des institutions prêteuses.
« Ces acheteurs ont dû acheter une maison un peu moins chère, et qui n’était pas nécessairement à leur goût », relève-t-elle.
D’une part, il y a des acheteurs dont la capacité de payer a atteint sa limite, et de l’autre, il y a des vendeurs qui ont le torse gonflé et qui ne veulent surtout pas vendre leur maison 100 000 $ de moins que le voisin.
France Mayer, courtière immobilière, Remax
C’est sans compter les acheteurs qui ont renoncé à accéder à la propriété, incapables de se démarquer lors du processus d’offres multiples qui a contribué à faire exploser les prix.
Moins d’offres multiples
Pour sa part, le courtier Ariel Banon, chez Sutton, croit que la « folie du printemps », alors qu’on se bousculait aux portes pour visiter des maisons, est maintenant chose du passé.
« Il y a encore des offres multiples, je dirais de 3 à 10 offres d’achat pour une maison en bonne condition, reconnaît-il. Mais ça n’a rien à voir avec les 20 à 25 offres par propriété il y a quelques mois à peine. »
Le courtier vient justement de vendre une maison unifamiliale à Repentigny. « On a eu 26 visiteurs et 6 offres d’achat, évoque-t-il. On en avait fixé la valeur à 450 000 $. Le vendeur a vendu avec un gain supplémentaire d’environ 50 000 $. »
Il souligne au passage qu’il y a eu « beaucoup de plaintes » depuis le début de la pandémie concernant « des courtiers qui ne respectaient pas la réalité du marché » en fixant le prix de la propriété à un niveau « beaucoup trop bas », pour stimuler la demande et créer de la surenchère.
« Dans ces conditions, ça dérangeait les vendeurs, ça dérangeait les acheteurs et ça créait de la tristesse chez les acheteurs », déplore-t-il après coup.
Il tient à souligner qu’il a lui-même suivi avec intérêt une formation obligatoire de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), en mai dernier, sur cette question portant sur la fixation du prix des maisons.
Une nouvelle poussée ?
La courtière Nicole Turcot, de Via Capitale, fait sensiblement la même lecture du marché. « Depuis quelques mois, il y a moins de maisons vendues en mode surenchère, remarque-t-elle. Au printemps, on pouvait avoir de 30 à 40 offres d’achat pour une propriété. Là, on parle plutôt de 3 à 10 offres. C’est tout un écart ! »
Faut-il comprendre que les acheteurs ont pris congé au cours de l’été pour aller en Gaspésie ou sur la Côte-Nord ? « C’est un fait que nombre de mes clients ont pris des vacances et ont reporté leurs projets d’acquisition. Toutefois, avec l’arrivée de l’automne, je m’attends à ce que ça reparte en fou. »
D’autres courtiers — c’est le cas de Jean-Marc Léger, également de Via Capitale — ont le sentiment que le marché n’a jamais ralenti… « Je ne peux pas parler pour les autres, soumet-il, mais personnellement, c’est tout juste si j’ai pu prendre quatre jours de congé depuis le début de l’année. J’ai encore des acheteurs qui cherchent une propriété, et qui me demandent de trouver. »